Hier, jeudi 24 juin 2010, une journée nationale de grève a eu lieu pour protester principalement contre la réforme des retraites, principalement sur le recul de l’âge légal de départ. Une forte mobilisation a eu lieu faisant avoisiner les chiffres autour de 800000 pour la police et 2 millions pour les syndicats. Le résultat de cette grogne nationale ne s’est pas fait attendre : Eric Woerth nous a expliqué, à mots couverts bien sûr, qu’il n’en avait cure, nous précisant que ce mouvement ne changerait rien à la décision du gouvernement. Pire encore, il argumente sa décision en comparant le nombre de grévistes descendus dans la rue hier, au nombre estimé des précédentes grèves. Comble des combles, Le Figaro nous explique cette grève est un succès pour les syndicats...
Attardons-nous donc sur les raisons de l’utilisation de ce fallacieux argument par notre ministre et du relai du Figaro.
En France, comme dans chaque pays où le droit de grève est respecté, les citoyens descendent dans la rue pour exprimer un mécontentement contre une mesure prise à leur encontre. L’objectif, in fine, est d’obtenir, a minima, des négociations pour aboutir sur des accords prenant en considération le plus d’opinions possibles.
Une fois cette position exprimée, que constatons-nous ? Les précédentes grèves, depuis 2008, sur le régime des retraites n’ont abouti à AUCUNE négociation. Je ne remonte pas avant 2008 et je ne parle volontairement que du régime des retraites, mais je vous laisse généraliser ce constat et la suite à bon nombre de grèves.
Alors, pour quelle raison ces grèves n’ont-elles aucune incidence ?
La principale raison est l’obstination des gouvernements à prévaloir de leurs décisions et penser qu’ils sont seuls capables de faire avancer le pays. Ils oublient donc leur rôle d’élus, faisant d’eux des représentants du peuple dont le but est d’apporter des solutions convenant au plus grand nombre. La conséquence, sur le long terme, de cette façon d’agir est l’étouffement du mouvement social. J’entends par là que les gens ne croient plus en leur capacité à faire fléchir une décision gouvernementale, alors même que celle-ci va à l’encontre de celle proposée lors d’une campagne électorale.
La seconde raison concerne la négligence des syndicats à la fin de ces mouvements. Ceux-ci s’enorgueillissent des chiffres de participation et s’arrêtent à cette démarche. Je respecte énormément cette faculté qu’ont les syndicats à rassembler mais qu’en est-il dans les faits… Descendre dans la rue n’est pas suffisant pour avancer sur un désaccord, c’est suffisant pour exprimer la joie ou le partage mais sûrement pas pour construire. La conséquence de cela est l’utilisation de ces chiffres par nos dirigeants. Ecoutez le discours de M. Woerth nous expliquant que la grève a mobilisé moins de personnes qu’en 2009, 2008 voire même 2003.
Ces deux raisons cumulées, la réaction naturelle est de se dire, qu’après tout, il est vrai que les gens se sont sentis moins concernés qu’auparavant et que l’allongement de l’âge de départ à la retraite doit avoir du sens.
On pourrait ajouter à cela les stratégies gouvernementales menant à proposer des modifications de lois pendant des périodes où l’actualité est centrée sur d’autres sujets. Prenons le cas présent comme exemple : l’annonce est faite alors que la coupe du monde football (évènement sportif le plus suivi du pays) est lancée, obligeant une réaction à chaud dans un moment où l’esprit de chacun est occupé à se demander si les Bleus ont une chance. Comble du bonheur pour notre gouvernement, cette équipe de rigolos n’a rien fait d’autre que de se rendre ridicule et de renvoyer une image honteuse du pays à l’échelle internationale. J’en suis à me demander si Domenech, Woerth et Le Roi n’avaient pas planifié cette situation.
Le constat est certes déplorable, mais cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter de vouloir avancer pour tous. Il veut juste dire que les solutions d’aujourd’hui n’ont plus aucun impact et donc plus aucun sens. Commençons peut-être par arrêter de faire des grèves à chaud et réfléchissons d’abord à des solutions d’ajustement et à des arguments sensés permettant de mettre en exergue les écueils d’un projet de loi, puis une fois cela réalisé, mobilisons nous réellement à l’échelle du pays pour exprimer des propositions concrètes et ne relâchons cet effort qu’une fois que le gouvernement aura pris la peine de nous expliquer TRES CLAIREMENT les raisons et les avantages de ces réformes. Alors seulement, nos gouvernants seront forcés de discuter.
En clair, luttons pour que des gens comme M. Woerth ne puissent plus nous répondre sur les chiffres de la mobilisation, pour nous annoncer qu’il se fout de nos desiderata et ne sent même pas que cela nous gêne. Empêchons-le, comme en avril, de nous demander d’arrêter une grève car elle fait plus pâtir les citoyens que le gouvernement. Faisons vraiment en sorte d’être écoutés plutôt que d’être ignorés et stoppons réellement cette machine infernale qui décide seule, à l’inverse de ce qui l’a faite élire, sans ne jamais montrer la moindre considération à ses électeurs.